Résumé des interventions

PREMIERE PARTIE

APPROCHE HISTORIQUE ET CULTURELLE DES DROITS DES ANIMAUX A TRAVERS LES AGES ET LES PEUPLES

 

- « Les droits des animaux : quels droits pour quels animaux ? », par Georges Chapouthier

À mesure de leur formulation, les droits des animaux sont quasiment exclusivement destinés aux vertébrés, en raison de leur aptitude à souffrir. Mais le règne animal ne se limite pas aux vertébrés. Si les éponges n’ont aucune sensibilité douloureuse, pour beaucoup d’invertébrés se pose en revanche la question de la conscience et donc de l’aptitude à être conscient de sa douleur, qu’on tend à appeler "sentience". La présente discussion tentera, à la lumière des connaissances scientifiques modernes, de placer les uns par rapport aux autres les droits que l’on peut attribuer aux animaux des différents groupes : droits des animaux sentients versus droits des non-sentients, droits des individus versus droits des populations ou des espèces, cas particulier des animaux de compagnie pour lesquels l’homme pourrait avoir des devoirs particuliers, mais également  la place des droits des animaux par rapport aux droits de l’homme.

- « La découverte de l'individualité animale (XVIII-XXe siècle) », par Eric Baratay

Les arts, en particulier la peinture et la littérature, ont joué un rôle important, mais souterrain et méconnu, dans la reconnaissance progressive de l'individualité des animaux. Le phénomène a commencé à la fin du XVIIIe siècle avec la création des biographies littéraires, il a été relayé par la peinture à la même époque et surtout à la fin du XIXe. Ce travail, jugé sans importance, n'a pas été contré par les autorités philosophiques, religieuses, scientifiques, mais il a joué un rôle sociétal important et il a influencé les sciences à partir du XXe siècle. 

- « Ne pas être une chose et avoir, dans le même temps, le statut d’une chose », par Florence Burgat

Si la fiction juridique permet de s’émanciper de la contrainte du réel et de mettre en place une tout autre scène, il est nécessaire de s’interroger sur les fictions qui rendent possible des usages que la raison conduit à réprouver. Nous proposons une lecture critique de quelques contradictions internes au droit animalier, exemplairement celle qui consiste à définir essentiellement les animaux comme des êtres vivants sensibles et, dans le même temps, de les soumettre au régime des biens (ou des choses). 

 

SECONDE PARTIE

APPROCHE TRANSSYSTEMIQUE DES DROITS DES ANIMAUX

POUR UN DEPASSEMENT DES FRONTIERES TERRESTRES ET CONCEPTUELLES

 

 - « Droit des animaux et droit des autres entités naturelles : l'intérêt d'une approche complexe et systémique », par Stéphane Pessina

Envisager de reconnaître des droits spécifiques aux animaux et aux autres entités naturelles peut encore paraître surprenant, voire incompréhensible. Mais une telle approche s’explique pour peu qu’on la contextualise ; pourvu qu’on essaie de voir et de comprendre les liens qui relient les diverses entités qui existent sur la planète Terre. Cela nécessite d’analyser cette question à différentes échelles en opérant des allers-retours entre le local et le global, le milieu de vie très concrètement situé et la santé de la Terre considérée comme un être vivant à part entière. Il s’agit au final de mettre en exergue les multiples interdépendances qui structurent toutes les dimensions de la vie sur Terre. Les animaux et les autres entités naturelles sont à la fois les parties de ce biome qu’est la Terre et portent ce tout en eux, tout comme les êtres humains.

- « Quels droits pour les animaux au Québec ? » par Michaël Lessard

Les animaux sont des êtres doués de sensibilité ayant des impératifs biologiques. Le Code civil du Québec le reconnaît explicitement depuis 2015. Quelle incidence une telle reconnaissance a-t-elle sur le droit ? En étudiant l’expérience québécoise, cette conférence propose une réflexion sur l’interaction entre trois notions importantes pour l’encadrement juridique de notre relation avec les autres animaux : la sensibilité, les impératifs biologiques et les règles de pratique de l’industrie. La sensibilité animale, maintenant reconnue en droit, s’est vue octroyer une force normative importante par les tribunaux. Les impératifs biologiques, également reconnus, reçoivent peu de considération de la part des juristes et des justiciables alors qu’ils pourraient servir de fondations au développement d’un nouveau régime juridique de l’animal. Les règles de pratique de l’industrie agricole, permettant des exceptions aux protections juridiques des animaux, doivent faire l’objet d’une meilleure définition afin qu’elles cessent d’évacuer toute pression visant l’amélioration de la situation des animaux. Cette conférence sera l’occasion d’en apprendre plus sur le droit québécois tout en réfléchissant à des concepts transsystémiques pouvant présenter des enjeux analogues dans d’autres pays.

- « Les animaux sensibles comme personnes physiques », par Valéry Giroux

Si rares sont les personnes qui ont douté de son existence au cours de l'histoire, la sensibilité des animaux n'a été que récemment reconnue en droit civil français et québécois. Quelles devraient être les implications juridiques de cette reconnaissance? Depuis la perspective de la philosophie morale, nous examinerons les droits et le statut juridique qui devraient être accordés aux êtres non humains sensibles.

- « Droit positif et prospectif du travail animal », par Marine Lercier

Les animaux domestiques contribuent au bien-être, à la richesse, à la santé, au maintien et au développement des sociétés par leur travail, le plus souvent imposé par les humains, à l’échelle mondiale. Appartenant à l’espèce équine ou canine par exemple, ces individus sont vulnérables dans la relation de travail et en dehors. Pour remédier à l’incohérence d’un droit anthropocentrique les excluant de toute forme de protection sociale, il convient d’attribuer des droits du travail à certains animaux domestiques pour assurer leur bien-être. Pour posséder et jouir de ces droits, ils devront devenir des « personnes physiques non-humaines » comme suggéré par les auteurs de la Déclaration de Toulon Régad et Riot, ou des « êtres juridiques » selon la formulation désanthropisée de Deckha. Reconnus comme travailleurs, ces animaux deviendraient membres d’une société multiespèces, cessant d’être la propriété de personnes (physiques ou morales) qui exploitent leur travail. Les concepts de « work-lives » et de « humane jobs » développés par Coulter dans la poursuite d’une solidarité interespèces, de « good work » analysé par Cochrane et de droits sans libération, et la prohibition du travail animal forcé et le droit pour les autres animaux de travailler (ou pas) pour ou avec les humains articulés par Blattner, inspirent le développement d’un droit du travail animal. Cette proposition adhère à la théorie politique des droits des animaux de Donaldson et Kymlicka, en faveur de droits universels et inviolables et d’un droit international des animaux défendu par Peters.

- « Du mandat de protection des personnes au mandat de protection animale », par Gilles Raoul-Cormeil

Animale, ou humaine, la vulnérabilité est une qualité intrinsèque à l’être vivant. Est vulnérable, tout être vivant susceptible de mourir ou, à tout le moins d’être blessé physiquement ou moralement. La qualification des animaux, au pluriel, comme « êtres vivants doués de sensibilité » (C. civ., art. 515-14) fonde une reconnaissance de la vulnérabilité animale. Le singulier cède cependant assez vite la place au pluriel et à la pluralité des régimes juridiques. Le droit commun animalier mériterait, sous cet angle, d’être mieux défini et la protection animale repensée pour devenir effective.

D’abord, une définition plus précise de la vulnérabilité animale conduit à prendre en considération les conditions de bon développement et d’épanouissement de l’animal selon sa nature biologique, sa race, son espèce, son âge et sa taille. La vulnérabilité animale trouve matière à se développer dans le champ de l’être, comme pour la personne humaine ; elle est plus limitée sans être nécessairement exclue sur le champ patrimonial, alors que la vulnérabilité de l’être humain trouve ici un critère opérationnel et parfois prépondérant dans la protection juridique des majeurs (C. civ., art. 425).

Ensuite, la protection des animaux, comprise comme la protection de la vulnérabilité animale, est un thème bien connu. La protection judiciaire tendue vers une sanction civile ou pénale pose la question de son effectivité. La protection juridique tendue vers la prévention est plus originale car elle interroge, en tirant la métaphore de la protection juridique des personnes humaines vulnérables, le besoin d’habiliter un protecteur, un tiers qui n’est pas nécessairement le propriétaire de l’animal. Partant, il faudra s’interroger sur les conditions de son agrément et de sa désignation, ainsi que la nature et l’étendue de ses missions. L’originalité de l’étude est de transposer à l’animal le mandat de protection future pour soi ou pour autrui issu de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs. Cette réflexion prend pour objet l’article 515-15 du Code civil présent dans la version adoptée par l'Assemblée nationale au mois de janvier 2021 (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3791/AN/195.pdf) mais rejeté par le Sénat (http://www.senat.fr/amendements/commissions/2020-2021/326/Amdt_COM-183.html). Sur ce texte, v. la critique de N. Dissaux, « Est-ce que ce monde est sérieux ? », D. 2021, p. 345.

- « L’opportunité juridique de la création d’un Défenseur des droits pour les animaux en France », par Pauline Malléjac

Répondant aux attentes sociétales nouvelles souhaitant éradiquer la souffrance et le mal-être des animaux, la protection juridique des animaux se développe considérablement depuis ces dernières décennies. En effet, plusieurs normes protectrices des animaux sont entrées en vigueur en France afin de vivre dans une société plus pacifique et plus respectueuse des autres, de l’environnement et des animaux. Dès lors, plusieurs affaires judiciaires ou administratives ont rendu cette protection effective en condamnant la maltraitance et l’abandon des animaux. Toutefois, les animaux n’ayant pas la qualité de sujet de droit en France, seuls des représentant tels que les propriétaires, les organisations non gouvernementales ou les associations de protection animale peuvent avoir qualité à agir au nom et pour le compte de l’animal. Les affaires concernant la protection des animaux sont encore peu nombreuses et ce peut être le fait d’un manque de clarté du droit de l’animal et de questionnements autour du statut de l’animal ou encore du fait de l’inaccessibilité de nombreux lieux dans lesquels des animaux subissent des mauvais traitements.

En complément de cet aspect contentieux naissant et indispensable à la protection des droits des animaux peut être étudiée une protection non juridictionnelle – voire même non contentieuse – pour permettre une meilleure effectivité des droits des animaux. Bien que les organisations non gouvernementales ou les associations de défense des animaux dénoncent, souvent par des biais politiques, des maltraitances dans les médias, elles ne peuvent procéder à une réelle magistrature d’influence comme pourrait le faire une autorité administrative indépendante. L’on pourrait alors s’interroger sur le développement d’une telle autorité en France qui tiendrait compte des intérêts en présence de manière indépendante avec des prérogatives plus larges telles que la possibilité de visiter de manière inopinée des élevages ou des zoos, ou encore de proposer au gouvernement toute modification des dispositions législatives ou réglementaires applicables dans son domaine de compétences.

Bien que le sujet soit prospectif, il s’agit ici d’un article de droit qui a uniquement vocation à s’intéresser aux intérêts et opportunités juridiques du développement d’une autorité administrative indépendante française pour veiller au respect des droits des animaux. Quelle conséquence aurait alors la création d’un Défenseur des droits spécifique aux animaux sur leur régime juridique ? L’intervention s’articulera en deux temps. Un Défenseur des droits des animaux permettrait, premièrement, une évolution du droit animalier et, deuxièmement, une valorisation des droits des animaux dans leur approche substantielle.

 

- Synthèse, par Michèle Lis-Schaal, Magistrate, présidente de la chambre en charge des procédures collectives à la cour d’appel d’Aix-en-provence.

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